Une décision récente du Conseil d’Etat nous semble devoir être évoquée parce qu’elle illustre la manière dont le juge administratif raisonne dès lors que la problématique qui lui est soumise concerne un SIQO (Signe Officiel de la Qualité et de l’Origine).
Alors que les décisions des juridictions administratives sont généralement caractérisées par une technicité juridique absconse – pour ne pas dire imbitable –, l’office du juge administratif devient beaucoup plus pratique lorsqu’il s’agit d’apprécier si un produit alimentaire peut se revendiquer d’un label qualité.
En l’espèce, l’Association des Eleveurs de Brebis Laitières demandait au Conseil d’Etat l’annulation de la modification du cahier des charges de l’IGP « Tommes de Pyrénées ».
En effet, ce cahier de charges prévoyait que seul le lait de quatre espèces de brebis pouvait permettre la confection de « Tommes de Pyrénées », au grand dam de la brebis de la race dite « Lacaume » qui se voyait refuser l’entrée de ce club privilégié.
Afin de vérifier la légalité du cahier des charges litigieux, nulles exégèse de jurisprudence ou interprétations de dispositions législatives complexes.
Le juge administratif, tout comme le consommateur lambda, se pose la seule question qui vaille : la tomme de Pyrénées, c’est quoi ?
A cette question, l’INAO – via le cahier des charges qu’il a élaboré – précise notamment qu’il s’agit d’un formage confectionné avec du lait de brebis aptes à la transhumance en milieu pyrénéens.
Le lecteur avisé de ce blog tout autant que son auteur auront appris quelque chose aujourd’hui.
Or, la pauvre brebis de race « Lacaume » n’est pas apte à la transhumance en milieu Pyrénéen. Très mauvais point pour elle…
Mais pire que cela, le juge administratif va même jusqu’à se prononcer sur la qualité de son lait. C’est ainsi qu’il ajoute aux termes de sa décision que le rendement laitier de cette brebis serait insuffisant et « pas assez gras pour assurer la qualité d’un fromage à pâte semi-dure non cuite« , telle que la Tomme de Pyrénées.
Le juge administratif, fin gourmet, ne badine pas avec le sujet.
Le juge administratif ne fait pas dans les sentiments.
Notre pauvre brebis, rhabillée pour l’hiver par la juridiction administrative, ne donnera pas une goutte de son lait à la tomme de Pyrénées.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037059326&fastReqId=982362855&fastPos=1